La première bouche que j’ai peinte date de 1993. A la fin d’un cycle d’autoportraits, ne restaient sur les dernières toiles plus que l’œil et la bouche comme ultimes traces de mon propre visage. La bouche est devenue par la suite un sujet à part entière, au même titre que l’arbre, la maison et le paysage.

Comme si « la bouche » était le signe d’une revendication  : la peinture est mon langage. Je me tais parce que je n’ai pas les mots justes mais j’ai l’espoir de trouver les images qui me manquent ! C’est au fondement même de mon engagement dans l’art quand j’avais 19 ans et cela demeure valable jusqu’à maintenant.

Je peins des bouches sans aucune référence au visage. Des bouches comme des objets jetées sur une table. Des bouches ouvertes et anonymes : bouche – offrande, bouche – cavité, bouche – béance. Comme autant de cris muets.

Je sais que je dois y mettre beaucoup d’ombre et un éclat de lumière !

Quand je m’y attends le moins, la bouche parfois devient une promesse.

C’est un fantasme ancien que de vouloir réaliser le plus beau cri de l’histoire de la peinture. De Masaccio à Bacon et demain encore, combien ont songé à ce cri-là ?

Ce cri, est-ce le mien, le votre, le cri des sans voix, des victimes innocentes ? ( Est-ce le cri de douleur de ma mère sur son lit de mort ? ) Je n’en sais rien.

Et si tous ces cris, ensemble, au lieu de créer un vacarme infernal formaient un chant, le chant de la terre

 

 

image : l’atelier 2018 ©jörgLanghans