10 ans d’écorces – un bilan ?

Pendant presque une dizaine d’années j’ai travaillé essentiellement à partir de quelques écorces de bouleaux. Je suis donc un mec qui a passé une partie importante de son temps à peindre des écorces…J’en parle aujourd’hui au passé, parce que j’ai l’impression d’en avoir fait le tour. Après presque 10 années. Quand même…cela me parait un peu fou, maintenant que je l’écris. Un bilan ? Non, je ne suis pas comptable. 

Au début de ce travail je ne savais pas ce que je cherchais, je sentais simplement que ces écorces avaient quelque chose à me raconter. Peu à peu je comprenais que ces fragments arrachés étaient importants pour moi. J’ai ensuite essayé de faire dire à ces fragments d’arbres arrachés ce que je ne pouvais dire autrement sur mon véritable sujet : l’homme ! La peau, l’éphémère, le fragile.

Je ne voyais pas d’autres chemins pour parler de ce qui m’apparait comme « l’absurde condition humaine ». A l’atelier j’écoute beaucoup la radio, la radio avec sa litanie de désastres quotidiens et je ne pouvais faire autrement que de penser à ces morts anonymes, là-bas en Syrie, en Irak, au Yemen et ailleurs. C’était oppressant (et ce l’est encore très souvent). La simultanéité de nos vies, ici et là-bas, cette grande loterie d’être né quelque part, ces injustices insupportables et nos hypocrisies obscènes…

Avec « mes » écorces arrachées j’avais l’impression de pouvoir dire néanmoins quelque chose sur la violence infligée aux hommes par ses semblables. J’avais l’impression de pouvoir le dire sans tomber dans une dénonciation bienfaisante ! OUI, tout sauf cela !

Que faire, comment faire quand on n’a qu’un pinceau à la main ?

 

©jörgLANGHANS, selfportrait, 2012, gouache and pastel on paper, 105 x 75 cm