Des écorces, ( l’éloge de la peau )

Il y a six ans, pendant une promenade dans une forêt toute proche, j’ai découvert des bouleaux déracinées : la blancheur de leurs écorces au sol était aussi lumineuse que désolante. Certains arbres cassés donnaient à voir une masse foliaire en décomposition de couleur orangé. Etrange relation entre l’intérieur et l’extérieur. Je me suis rendu compte que le cœur de l’arbre était mou tandis que sa peau restait souple et solide. Ainsi, j’ai pu ramasser des écorces qui peuplent maintenant mon atelier…

Un atelier bien encombré ; étrange cohabitation entre les portraits et ces écorces.

L’écorce, cette peau si fine n’est pas une simple surface éphémère mais une matière de mémoire capable de présence au delà de la durée de vie de l’arbre lui-même. Elle devient symbole. De quoi au juste ? Elle se transforme en signe, et signe l’absence d’une forme qui la portait jadis.

Déjà dans l’Egypte ancienne le papyrus était support de mémoire. Et c’est justement dans cette culture qu’une attention toute particulière était donné aux morts.

La surface, l’écorce, la peau du monde…rien d’autre ! Nous devons nous contenter de toucher cela. La déception de trouver un centre mou, un fond inconsistant, nous laisse sans voix. Est-ce que le monde n’est que surface ? N’y a-il rien derrière les apparences ?

Peindre ces écorces comme métaphore d’une quête spirituelle, d’une quête de sens. L’art n’est que cela au fond : nulle description du monde, mais une façon d’Etre au monde.

L’expérience métaphysique s’est comme déposé dans ces peintures. Quand j’ai trouvé ces écorces mon étonnement devant cette relation inversée de l’intérieur et de l’extérieur était si grande que j’ai instinctivement ramassé ces fragments d’arbre pour en faire autant de supports de rêverie. Je ne savais pas où allait m’emmener ce sujet et c’était tant mieux ! Je peins pour explorer des territoires qui me sont inconnus. Je peins pour voir ce que je n’ai pas encore vu.

 

Extrait « Des écorces, ( éloge de la peau ) », suite de notes d’atelier commencé en 2014

Photo Jörg Langhans, vue d’atelier 2013