Quelques réflexions autour des œuvres présentées dans l’exposition
QUELQUE CHOSE PLUS GRAND QUE SOI à la galerie Bruno Mory.
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Quand enfant tu comprends que tu n’arriveras pas à compter toutes les étoiles, tu prends conscience que ta maison, ta ville et même le pays où tu grandis ne sont que grains de sables dans l’immensité de l’univers. Quand un demi-siècle plus tard tu dessines une simple feuille d’arbre, puis une autre…tu comprends que ce sentiment-là est toujours aussi vivant en toi.
Je ne vois pas d’autres façon que de commencer par le proche, à portée de main, de vue, pour aller vers quelque chose de plus grand, quelque chose qui nous dépasse infiniment et parfois nous emporte.
L’année dernière j’ai commencé à peindre de grandes études directement sur le motif. La plupart dans la Forêt de Hez-Froidmont dans l’Oise, proche de mon atelier. Cette double immersion, dans la nature et dans l’espace blanc de la feuille, a accentué ce sentiment de dépassement au cours du travail. Toute l’année j’y ai dessiné au plus près du rythme des saisons.
J’ai ensuite retravaillé à l’atelier de nombreuses études pendant des mois. La fraîcheur de l’étude est l’élan irremplaçable, la gageure consiste à trouver un point d’équilibre : maintenir vivante la spontanéité de l’esquisse tout en donnant du poids à l’œuvre. Mais je ne sais toujours pas très bien pourquoi je ressens une si grande joie quand je dessine ce monde végétal. Si la séance de travail marche bien je me sens porté par un sentiment presque mystique, j’ai l’impression d’être habité par un souffle autre que le mien.
Car pendant les séances « sur le motif » vient aussi ce moment décisif où on voit tout en couleur. C’est le moment où l’œil bascule dans le paysage. On ne contemple plus un paysage avec des champs, des arbres, des fleurs, des nuages… Soudain, il n’y a plus que des formes et des couleurs. Les détails disparaissent pour laisser place à des structures essentielles. L’arbre qu’on appelle « saule » devient ainsi une tache de couleur vert-gris, légèrement bleutée, faite de céruléum et d’un peu d’ocre jaune, une pointe de noir et de blanc. Comme si l’œil ouvrait un espace inconnu où le monde deviendrait une immense palette. C’est l’instant d’une innocence retrouvée.