Une visite à la Gemäldegalerie de Berlin

Mais comment ces visages ont-ils pu traverser les siècles sans prendre une ride ?

On rentre dans ce musée comme dans un temple. Espace épuré, lumière diffuse, silence feutré. Dans les premières salles, des peintures religieuses sur fond doré. Arrivé aux 15ème et 16ème siècles tout change : il y a beaucoup de portraits, tête seule ou buste. Albrecht Altdorfer, Christoph Amberger, Albrecht Dürer, Hans Holbein, Lucas Cranach, Jan Van Eyck, Hugo van der Goes, Maitre de Flémalle, Rogier Van de Weyden, Petrus Christus, Hans Memling, Jean Fouquet…que des grands artistes ! J’ai le vertige, comment « absorber » tant de chef d’œuvres, il me faudra plusieurs vies…Passé ce petit moment de panique une impression d’irréalité s’impose : Les regards de ces visages peints communiquent avec les nôtres comme si de rien n’était.

Tantôt frontaux, curieux, interrogateurs, malicieux, parfois regards dans le lointain, rêveurs, soucieux ou inquiets. Ils expriment tous un sentiment qui nous est familier. En cela ils sont comme tous les inconnus que nous croisons dans des lieux publiques et qui nous offrent, parfois, l’instant d’un regard une part de leur humanité. Mais ici, dans le silence de ces salles de musée, j’ai la certitude de pouvoir voyager d’une autre façon. Le temps de la rencontre avec une œuvre est un temps suspendu. C’est peut être cela la force de l’art. Je contemple l’image de quelqu’un qui n’est plus depuis plus d’un demi millénaire. Je suis foudroyé par cette image du 16ème siècle qui est une image incarnée, une image dans laquelle un corps fut déposé comme dans un sablier. Troublante permanence d’une présence si fragile pourtant.

 

Image : détail du portrait de Hieronymus Holzschuher peint par Albrecht Dürer en 1526