Des écorces, suite

( de la nécessité d’aller au fond des choses )

Aller au fond des choses…une nécessité , une exigence, une conviction intime, une obstination têtue parfois.

Dans le sujet « des écorces » il n’y a pas de « fond » au sens propre . Les écorces de bouleaux qui peuplent mon atelier sont des écorces que j’ai arraché une par une à leurs troncs gisant au sol. Je sais donc ( par expérience ) qu’il n’y a plus rien derrière ces écorces mais ce « rien » n’est pas du néant. L’écorce dessine précisément ce vide laissé par l’absence du cœur de l’arbre. Ce constat quelque peu nihiliste ne me semble pas désespérant pour autant : Comme je sais qu’il n’y a rien derrière cette surface blanche je peux me concentrer pleinement sur ce que je peux voir et toucher sans espérer découvrir autre chose.

Morandi a passé la plus grande partie de sa vie à observer quelques bouteilles et à peindre la poussière qui s’y déposait. Ses natures mortes sont pourtant des méditations vibrantes sur l’espace pictural, la touche, les rapports de tons et le temps qui passe.

Je peux bien, sans pour autant me prendre pour Morandi, m’autoriser à peindre pendant quelques années « mes » écorces !

Cette « peau arrachée » est devenu, un peu malgré moi, ma « bouteille de sauvetage morandienne », mon sujet central depuis 2008. 

Quelle étrange processus est à l’œuvre quand à un certain moment de ta vie un sujet précis émerge, puis s’impose et finit par s’incruster jusqu’à devenir obsessionnel ?

A plusieurs reprises déjà, je pensais en avoir terminé avec ces écorces blanches. Le cycle me semblait clos et j’avais attaqué d’autres sujets : Le portrait,  les désastres de la guerre  et puis récemment « les ciels ».

Je ne sais pourquoi, une écorce oubliée au sol de l’atelier m’a paru soudainement différente, nouvelle ! Je ne l’avais jamais vu. Pas comme ça. C’est presque comme si c’était elle qui me regardait… Et puis une autre et d’autres encore. Me voilà reparti dans ce travail si austère. Faire le portrait d’une écorce arrachée…

Les jours ou « ça va bien », j’ai l’impression que tout devient plus simple…essentiel peut-être !?

Mais à d’autres moments je crains que cela ne soit qu’un leurre.

Rien n’est plus difficile que d’approcher ce qui nous semble essentiel.

Je sais néanmoins que ce n’est qu’en reprenant le même sujet, comme une énième variation musicale pour épuiser le motif, que j’ai une chance de pouvoir dire quelque chose de VRAI.

L’ECORCE – LA PEAU – LE FRAGILE – LA VIE – LE VERTIGE – LE DOUTE souvent – L’ENNUI parfois.