L’étang modeste ( été 2023 )

Nous avons tous observé un jour la surface d’un plan d’eau. Et nous nous sommes étonné de la netteté de l’image qu’elle nous renvoie. Il suffit de regarder ce miroir assez longtemps pour oublier qu’il s’agit d’un reflet. Les arbres, les nuages et les oiseaux s’y mirent et nous voilà, tel Narcisse, prit à notre tour dans une contemplation vertigineuse : les choses qui nous apparaissent avec une si grande netteté, c’est à dire avec une si grande évidence, ne sont que des images. Des images qui renvoient au monde bien tangible qui se reflète en même temps sur la surface aqueuse de notre rétine pour former in fine, une image mentale. L’image et l’imagination ont la même racine. Calderon de la Barca écrivait déjà la vie est un songe et les songes sont ce qu’ils sont . (  la vida es sueño y los sueños sueños son  )

Ce fut un été pour faire le tour d’un étang comme on tenterait de faire le tour de son âme. Un voyage immobile. J’ai vu le calme trompeur d’une surface d’eau. J’ai vu des couleurs plus intenses, plus mystérieuses également. J’ai vu, à l’autre bout du lac, une libellule frôler la surface de l’eau.

Le peintre plonge sans cesse dans les images du monde et perce la surface de la représentation du « réel ». Peut-être pour proposer à son tour une autre image, incarnée celle-là, du monde que nous habitons. N’est-ce pas pour faire corps avec ce monde au lieu de rebondir comme une balle de surface en surface ?

Pour peindre aujourd’hui, à l’époque de l’indigestion d’images, il faut avoir l’âme d’un enfant ou celle d’un grand mélancolique.

 

image : photo prise au bord de l’étang d’Angy ( Oise )